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Tout feu tout flamme

  Le clin d’œil du mois de juin 2017

Tout feu, tout flamme !

Commençons par la passion, celle qui nous anime, celle qui nous fait avancer, celle qui nous pousse à agir et à partager. Car, à l’image de la flamme qui se répand, qui réchauffe, qui éclaire, elle est communicative, elle rend lumineux. Il n’y a pas de fumée sans feu, effectivement l’expression est bien trouvée, lorsqu’on dit de quelqu’un qu’il est tout feu tout flamme, pas besoin d’autre explication, notre imagination nous renvoie automatiquement une image et une sensation en miroir des mots. Utiliser le mot « feu » dans une tournure de phrase se révèle très fréquent depuis le IXe siècle pour traduire une émotion positive forte.

Bien plus tard, apparaîtra chez Voltaire (au XVIIIe) l’expression avoir le feu sacré pour évoquer des sentiments nobles et passionnés associés à une activité difficile qui impose un investissement personnel important, voire des sacrifices. Pour la petite histoire, le feu sacré désignait, dans l’Antiquité le feu du temple que les Prêtresses (les Vestales) étaient chargées d’entretenir : elles devaient faire vœu de chasteté et mouraient enterrées vivantes si jamais elles rompaient leur vœu.

Alors effectivement, quand on parle de feu sacré, on pèse nos mots ! C’est une expression qui s’emploie aujourd’hui beaucoup en rapport avec le travail (ardeur et sacrifice), tout comme être dans le feu de l’action.

La souffrance (que l’on trouve aussi dans la passion) est bien sûr associée à l’élément feu :

Mettre sa main au feu signifie être certain de son affirmation et pour cause : au Moyen-âge, lors des enquêtes de moralité, on préférait soumettre les suspects à des épreuves appelées « jugement de Dieu » dont l’une consistait à plonger la main de l’accusé dans les flammes ; si elle ressortait indemne, cela signifiait qu’il disait la vérité. Charmant !

Être pris entre deux feux illustre bien aussi cette sensation angoissante de se sentir pris au piège, avec cette idée de ne pas pouvoir avancer ni d’un côté ni de l’autre…

Mettre le feu aux poudres ou jeter de l’huile sur le feu mettent en avant l’aspect dévastateur du feu, déclenchant des images bien concrètes pour attiser des situations conflictuelles. Et là encore, pas besoin de s’étendre en explications, l’imagination fonctionne à plein, tout comme dans mettre à feu et à sang, expression restée dans notre registre depuis les descriptions de champs de batailles à l’époque napoléonienne !

Quant à ne pas jouer avec le feu (ou le diable), c’est une très ancienne injonction qui évoque la crainte de l’enfer. C’est d’ailleurs ce que concrètement on interdit à nos enfants petits, et qu’adolescents, ils aiment à tester en prenant des risques en se mettant en danger.

Mais le feu c’est aussi la lumière, à l’honneur dans l’expression n’y voir que du feu, née au XVIIIe siècle pour décrire la vision après un choc violent reçu à la tête : cette lumière vive et aveuglante qui empêchait de voir la réalité deviendra peu à peu une expression au sens figuré.

Briller de tous ses feux, être sous les feux de la rampe (ou des projecteurs) sont plus évocatrices que « ne pas faire long feu» qui, à l’origine, repose sur l’image d’un feu de paille qui s’embrase et s’éteint vite. On l’emploie aujourd’hui pour décrire un état éphémère.

Il est toujours touchant de constater que, de situations anciennes, bien réelles et concrètes, sont nés nos particularismes de langage. C’est tout l’art d’une langue vivante qui se crée et évolue au gré des transformations de sociétés.

Voici deux exemples qui vont vous faire sourire :

Brûler (ou griller) un feu, que l’on emploie sans même faire attention à l’absurdité de la phrase ( !) vient en fait du XVIIIe siècle, qui l’eût cru ? À l’époque on allumait réellement des feux de bois pour signaler quelque danger. Le verbe « brûler » avait pris la signification de passer sans s’arrêter à ces barrages. Et de là l’origine de nos feux rouges, verts, oranges.

Y’a pas le feu au lac ! Là encore, on le dit sans bien penser à l’absurdité du concept ! Et pour cause, l’expression a du vécu : à l’origine, en prenant le contre-pied de l’état d’urgence provoqué par un incendie, « il n’y a pas le feu » disait  qu’il n’y avait pas de raison de se presser. Plus tard, le mot « lac » fut ajouté en référence au lac Léman pour se moquer des Suisses qui ont la réputation d’être lents (c’est pas gentil !).