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Retour à la terre

  Le clin d’œil du mois de mai 2017

Plus qu’une démarche individuelle, le « retour à la terre » est un véritable courant intellectuel qui, par vagues et selon les époques, refait régulièrement surface et enthousiasme les générations. Avec, au-delà du désir sincère de travailler la terre pour en extraire ses bienfaits (et dans la mouvance « bio » si possible), une vraie recherche de sens : « c’est s’enraciner dans la terre pour vivre enfin debout.* » En d’autres termes, on dira « avoir les pieds sur terre ». Définition : être très objectif et ne pas se laisser séduire par des rêves ou des ambitions démesurés. C’est une preuve d’intelligence, car cela dénote une capacité d’adaptation de ses ressources intellectuelles à une réalité donnée. C’est aussi une preuve de bon sens et la volonté de retourner à des valeurs simples, autrement dit « terre à terre » : ordinaire, restant au niveau des préoccupations pratiques du quotidien.

Ce sont peut-être des expressions bonnes à entendre par les temps qui courent où l’on a tendance à mettre certains « plus bas que terre » : expression utilisée depuis le début du XXe siècle qui reprend une idée physique au sens figuré. Lorsque l’on est plus bas que terre, littéralement, on est en dessous de tout. Par extension, il s’agit donc de rabaisser une personne, de lui exprimer son mépris, de sorte qu’elle ne puisse plus moralement se relever.

Moi je dis que l’on ferait bien de « remuer ciel et terre » pour revenir à de saines préoccupations : cette expression utilise l’image de quelqu’un qui s’activerait énormément depuis le ciel jusqu’à la terre, donc sur de très longues distances et périodes de temps.

Car il ne s’agit pas de « mettre un genou à terre » : geste symbolique qui évoque le fait d’être vaincu, ni d’avancer « face contre terre » : en ayant peur. Avoir la face contre terre signifie qu’on tente de se faire discret, de ne pas se faire remarquer, de ne pas être reconnu. En mettant son visage contre ou vers le sol, on peut imaginer qu’on sera repéré moins rapidement, voire pas du tout.

Non, au contraire, il est urgent de progresser, et « ventre à terre ! » : exprime la rapidité, la vitesse d’exécution d’une action ou d’une personne, pour relever la tête et sortir de l’impasse du repli sur soi, accepter l’idée que, quoi qu’il arrive, on ne reviendra pas en arrière : on n’a plus assez d’essence pour faire le ch’min dans l’autre sens !

Pas d’autre choix que de « redescendre sur terre » : retrouver le sens des réalités, arrêter de rêver. Cette expression utilise l’image de quelqu’un qui se retrouve sur terre après s’être imaginé être dans les cieux, et ce, afin de parler d’une personne qui est au niveau du reste de la population alors qu’il pense être au-dessus.

Oui, avant de nous retrouver « six pieds sous terre », nous avons certainement encore de grands moments d’échanges à expérimenter, de belles actions solidaires à inventer, des spectacles, des concerts, des livres à dévorer et de belles soirées d’été à partager, « à se rouler par terre » :  tordant de rire, très amusant : il semblerait que cette expression nous vienne du domaine équestre puisqu’elle ferait référence aux roulades que les chevaux font sur le dos pour se masser et se procurer du plaisir. L’expression a donc conservé la notion de plaisir, cette dernière étant aujourd’hui celle que l’on éprouve en riant.

A bon entendeur, salut et au mois prochain !

*Nicolas Fabre : « Mon retour à a terre – Guide du néo-rural. »